Un bohème, un survenant, un artiste complet, Florent Veilleux s'amuse follement, avec les mots, avec les concepts, avec le son, la lumière, tout en travaillant à mouvoir la matière. Émule du sculpteur Jean Tinguely - qui réalisa notamment des machines à dessiner et à peindre capables de produire des œuvres apparentées à l'art abstrait -, l'inventeur, originaire de Saint-Clément, près de Rivière du Loup, ne conçoit pas l'art sans mouvement. "Le mouvement, c'est fascinant. Ça suscite la curiosité. Ça nous attire tout de suite."

Issu d'une famille de 18 enfants, Florent Veilleux s'est fait complice de la créativité très tôt dans sa vie. Sans jouets, sans télévision à la maison, il fabriquait des voitures avec couvercles de boîtes de conserve et des boutons en guise de roues, sans se douter que son nom figurerait un jour dans le Livre mondial des inventions.

L'année dernière, l'artiste inventeur était l'invité du Musée McCord avec son installation Romantisme postmoderne. Durant trois mois, il donnait des ateliers de création basés sur les objets de récupération et le mouvement. Le terrain vague du désir: "C'est le moment où l'on flâne, où l'on se cherche sans s'être véritablement perdu, où on ferait bien un bon ou un mauvais coup, où l'on s'ennuie un peu, où l'on va fouiller dans le grenier si on en a un, ou bien dans la chambre de débarras", raconte-t-il pour décrire cette expérience ludique.,

Au bout du terrain vague, tel Merlin l'enchanteur, Florent Veilleux tend le fil de fer et les circuits électroniques pour faire danser et vibrer le tout, pour créer un objet unique au monde. "Je ne leur apprends rien, je les laisse apprendre en surveillant et en les aidant à repartir lorsqu'ils tombent en panne. Je ne donne pas de cours, je ne fais pas la morale, je laisse l'enfant explorer, en toute liberté." Un anarchiste patenté, l'inventeur.

"L'enfant qui observe une patente inutile demande à quoi ça sert. Je viens de marquer mon premier point. Ça sert à commencer à réfléchir. Dès qu'on commence à réfléchir, la réflexion s'applique à n'importe quoi, même aux discours des politiciens. Quand on se pose des questions, on ne croit pas ce qu'on dit, on croit ce qu'on peut vérifier." La religion du doute, la semence de l'imagination et de la débrouillardise, qui vous font éviter les sectes et renoncer aux monuments, Florent Veilleux souhaiterait les faire germer chez tous les contemporains.

"Les gens ne se servent plus de leur imaginaire. Ils sont noyés dans un flot d'information, sollicités de partout par la société de consommation et ils ne s'en aperçoivent même pas. C'est un véritable scandale. Noël, c'est une farce, on confond avec l'Halloween." Et il murmure ce qui pourrait faire une chanson: "Minuit, crétins, c'est l'heure des bébelles!" (air connu)

Pourquoi réinventer l'inutile? "J'aime ce qui s'adresse à la sensibilité, aux sens. La colonne vertébrale de l'intelligence, c'est la sensibilité." Vit-on du métier d'inventeur? Pas vraiment, surtout quand on fait dans l'inutile, à moins d'un coup de chance. "L'inventeur veut devenir riche. Mon rêve, je le vis depuis 50 ans: faire ce qui me plaît. Et, si possible, aider les autres à être heureux, à rire d'un rire sain."

A vous personnellement, Florent Veilleux m'a chargée de transmettre ses vœux (et je suis de tout cœur avec lui) : Noël si vous y tenez. Mais joyeux surtout, très joyeux.
 

PHOTO À LA UNE DU DEVOIR